Chloé RIEB

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  1. Chloé RIEB sur Facebbok

 

 

L’identité n’est pas donnée, elle est hésitante, flottante ; elle est un manque à combler, une carence de soi qui appelle une quête éperdue de soi. L’iden- tité nécessite la définition de soi, et surtout la perpétuelle redéfinition de soi en actes, un exercice d’auto-engendrement sans cesse recommencé, reconduit jusqu’au vertige au gré des vicissitudes, des contingences, des accidents d’une existence dont nous ne sommes que secondairement les agents. L’autoportrait photographique se manifeste comme volonté, comme pouvoir de décision assumé et non subi sur le questionnement identitaire, et exige l’exploration obsessionnelle de l’articulation entre le « je » (privé) et le « moi » (public, social), le photographe se transfigurant lui-même en objet regardé.


Le photographe, en s’auto-représentant, n’est plus tout à fait lui-même, mais seulement l’image de lui-même, un analogon, un autre soi. Si je ne suis pas moi- même, qui suis-je ? Ici réside le paradoxe : l’image, en l’espèce d’image photographique, m’éloigne de moi-même, et pourtant, je n’ai d’autre choix que d’en passer par elle pour me trouver, me retrouver, afin d’attester mon identité en la figurant, la défigurant, en la composant, la re- composant, jusqu’à obtenir une satisfaction dont j’ai l’humilité qu’elle ne peut être que temporaire.


Dans l’autoportrait réside un enjeu vital consistant à légitimer son exis- tence par la prise en main artistique de son vécu. Les autoportraits me font donc advenir, justifient mon existence, qu’ils révèlent d’autant plus dans sa vérité qu’ils scandent l’artificialité d’un processus créatif maitrisé. 


La photographie est en effet créatrice d’une nouvelle réalité, elle est l’es- pace d’un monde possible, qui préserve de l’apitoiement ou de la complai- sance d’une l’existence subie. L’art permet de reprendre le contrôle sur une existence qui m’échappe, qui m’impose des déterminismes, qui me condamne à sa fatalité. L’essence de l’art étant l’impossible, « ce que nous n’avons pu atteindre, ce qui ne pouvait pas nous être donné : c’est la somme de toutes les choses qui nous furent refusées », il m’offre donc la possibilité d’une nouvelle existence dont je vise intégralement la maitrise, dont je sou- haite désespérément être l’agent unique, l’agent exclusif nanti de la faculté de se représenter pour se créer à neuf. Dès lors, c’est l’art qui fait la vie. 

 

Chloé RIEB.