Valérie JOUVE

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  1. www.valeriejouve.com

 

 

Déambulant dans le corpus rétrospectif des images de Valérie Jouve se fait jour l’idée première d’une singularité, soutenue par une étrangeté ... Etrange singularité qui si l’on appesantit plus son regard sans pénétrer les textes introductifs, ne prenant en compte que les légendes souvent sommaires « paysages, sans titre, les personnages, les passants », fait naître en nous un sentiment de banalité, recouverte par ces thèmes connus, mais immédiatement contredits par l’impression de nouveauté et de modernité qui s’en dégage.

Cette ambivalence des représentations appliquée à l’homme dans son territoire vital, trouve sa source dans l’intemporalité, qui baigne ce parcours (car on parcourt ces images comme ses personnages), ses personnages de sa ville (une ville recrée par son imaginaire concret) y sont en action et c’est leurs postures à la fois apprêtées et réfléchies, qui nous ramènent dans le présent, loin de toute contextualisation, de tout échappatoire de la rêverie.

 

Valérie Jouve se réclame des approches anthropologiques et sociologiques qui réinscrivent l’humain dans son cadre sociétal et c’est par le cadre photographique, qu’elle nous présente ces mises en scène de corps -en résistance - dans la cité, en instance d’explosivité (comme l’on dit d’un sportif de haut niveau); tant il est vrai que ces portraits sont traversés par une grande énergie, qui les met en tension avec leur environnement urbain.

Les corps, la ville, les corps dans la ville, dans les villes, impersonnelles et indicibles que l’on reconnaît être prises, pour certaines, dans les banlieues des métropoles ou dans le sud moyen orient. Ces corps, souvent des femmes à la lisière de la danse, parfois un homme, arrêté dans sa pensée un enfant en déséquilibre, des cadres supérieurs sortis de leur bureaux ou prenant la pause cigarette, tous sont confrontés aux façades des batiments urbains parfois découpés, dans leur texture grise jusqu’à l’abstraction, entretenant un rapport pictural dans les images, sans que la forme tableau y soit prédominante, la spontanéité demeurant vivace. Ces corps indifférents à l’architecture ambiante, passeurs de muraille, entretiennent leurs pensées intérieures, que l’on devine, sans jamais qu’affleure de psychologie, comme cette femme qui contemple son village sur le seuil, sereine et y demeure avec ce parfum d’une éternité redevable aux ancêtres.

 

Un cadre sociologique est toujours présent dans l’oeuvre de Jouve, posé comme un fond décoratif derrière le sujet principal, mais bien réel, définissant un territoire précis, bien qu’indistinct, délimité, mais sans entrer dans les annales locales et relevant de ce fait d’une universalité de lecture.. Les paysages cultivent la volonté sous jacente de description sociologique, zones péri urbaines ou no man’s land naturels; témoin la série des automobiles écrasées (par l’absence de profondeur de champ) et entassées sous une bretelle depériphé- rique, comme dans une casse auto porteuse d’anonymat.

C’est une vision universelle, qui nous est donnée, pour s’y plonger attentivement, et dont sourd tel un puits de pétrole ou une source de montagne, un climat de magie familière.Les femmes parlent, hurlent ou rient et interrogent la césure entre l’habitant et l’habitat, comme si elles y étaient étrangères, étrange singularité que possède chaque modèle dans une attitude de défi, et dont paradoxalement la proximité humaine nous ramène un peu de chaleur, même arrimée à ces angles et surfaces de béton et de vitrage muets.

 

Gilles Verneret